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OLIVIER TEMIME - SAI SAI SAI- 2003

OLIVIER TEMIME SAXOPHONE
EMMANUEL DUPREY PIANO FENDER

JÉRÔME BARDE GUITARE

GILLES NATUREL CONTREBASSE

JEAN-PIERRE ARNAUD BATTERIE

Produit par Didier Drussant
Enregistré le 4, 5, 6 et 12 Novembre 2012 au Studio du Petit Pont par David Drussant
"Micheline" enregistré par Alain Richon & Louis Dandrel au Studio Diasonic
Masterisé par Bruno Enriquez
Photo : Michaël Crotto
Graphisme : Pierre-Yves Roudy

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Olivier Temime, le saxophone à l'énergie

En pleine ascension, le musicien aixois multiplie les concerts, heureux d'apprendre le jazz sur le tas et en quête d'un contact festif avec le public.

Quelques titres de films, autant d'expressions courantes, pourraient donner un aperçu d'Olivier Temime. Tout feu, tout flamme, pour l'énergie dont le saxophoniste aixois semble n'être jamais à court, souvent trois fers au feu en même temps ; Drôle de zouave, pour sa bonne humeur communicative, son goût de la blague sans méchanceté ; Le Grand Escogriffe, pour situer la silhouette, la coupe de cheveux façon iroquois. Les amateurs de jazz n'étant pas moins sensibles que ceux du rock ou de la chanson au "look", celui d'Olivier Temime a souvent fait jaser.
"Ça m'amuse bien cette histoire de cheveux", explique le saxophoniste, dans l'ombre du salon d'un hôtel calme, point d'ancrage de nombreux musiciens durant le festival de Calvi, fin juin. "J'ai lu, il m'a été dit qu'il s'agissait d'un hommage à Sonny Rollins ou aux Indiens d'Amérique, que j'étais un musicien punk." L'il pétillant, l'accent provençal, Temime enchaîne : "Eh bien non. Cela remonte à 1996, ici, dans cet hôtel, chambre 12, mon nombre fétiche. Il y a eu un délire entre musiciens, des copains sont venus avec une tondeuse... Ce qui m'a intéressé c'était que le regard du public, des professionnels changeaient juste pour ça. Mais sans l'exigence musicale, tu peux avoir des plumes dans le cul et un nez rouge, ça ne fera pas de toi un artiste."
Olivier Temime n'emploie pas des formules alambiquées pour dire ce qu'il ressent. Et quand on lui rappelle que sa montée vers la reconnaissance a pu susciter des jalousies, des piques, il enfonce le clou.

En août 2000, lors du festival Jazz in Marciac, le trompettiste américain Wynton Marsalis a proposé à quelques jeunes musiciens, dont le saxophoniste Eric Prost, le guitariste Sylvain Luc et Olivier Temime, de jouer avec lui. "Il y a eu un accueil formidable, de très bonne musique. Ça a alors commencé à grenouiller. Et pourquoi Temime et pas machin ou truc qui jouent bien mieux ; c'est un coup de business, du copinage entre agents, etc." Temime, qui a beau sembler fonceur et assez sûr de lui, s'est pris à douter. "Ça m'a énervé de me poser la question de ma légitimité au travers de réactions médiocres. Je connais mes manques, mais si quelqu'un comme Wynton Marsalis choisit de jouer avec tel ou tel musicien, c'est parce qu'il le désire, personne ne lui dit "tu feras ceci ou cela"." Depuis ça va, merci. Temime avance, vite et plutôt bien.
Juste avant de partir pour Calvi, Olivier Temime a été l'un des animateurs des soirées du Squat Rivoli, une manière de retrouver les sensations et l'esprit des Nuits blanches du Petit-Opportun, autre lieu parisien ou du Collectif Mu au Crescent de Mâcon. Comme Temime, une bonne partie de la nouvelle génération des fous du jazz du milieu des années 1990 est passée par là. Le jeu du jazz, au défi, jusqu'au matin, soir après soir. A Calvi, il a proposé au directeur du festival, René Caumer, de cadrer un peu les rencontres nocturnes des musiciens pour sortir du rituel du buf. Il a beaucoup couru pour réunir des musiciens et leur faire préparer un répertoire.
Sur l'agenda de Temime, il y a peu de cases vides. A la mi-juillet, il était présent plusieurs jours à Avignon, pour l'inauguration d'une nouvelle formule du club Hot-Brass. Un tour à Paris, au Duc des Lombards, puis, début août, direction La Ciotat, ensuite Marciac dans le "off" et partout où il y aura de la musique à jouer, une tournée en Grande- Bretagne et aux Etats-Unis dans la formation du trompettiste Guy Barker, en studio à partir de septembre... "On pourrait penser que je vais dans tous les sens, avec plein de projets personnels, acoustiques, électriques... Par envie et pour apprendre encore et toujours, j'aime aborder de nombreux styles et répertoires. Ce qui ne veut pas dire que je ne vais pas au bout de chaque chose. Le jazz met le corps en mouvement, ce à quoi je suis très sensible. C'est peut-être pour cela que je bouge plus que d'autres."
Il y a certainement un côté jeune homme pressé chez Olivier Temime. Il avoue n'avoir travaillé que six mois le saxophone avant ses premiers pas sur scène. Sans crânerie. Les circonstances. Son père, trompettiste amateur, plutôt free, le voit musicien, avant même sa naissance. Sa tante, chanteuse et pianiste, connaît tous les musiciens brésiliens de Marseille. Elle le pousse à improviser, à l'intuition. Dans les champs il joue des thèmes d'Ornette Coleman, de Coltrane, Miles Davis. Temime marche à l'oreille (Rollins, Coltrane, Joe Henderson, Wayne Shorter surgissent dans sa sonorité, son phrasé le rapprocherait d'un batteur) avec quelques notions de lecture, d'harmonie.

AU CULOT ET A L'INSTINCT

Surtout il apprend en jouant. Avec des groupes de salsa ou de jazz-rock à Marseille, les grilles des standards pour des remplacements dans les clubs du Sud, au jour le jour en faisant la manche dans la rue, à Marseille, à Paris ­ "ce qui n'a rien de romantique" ­ avec le guitariste Laurent Cohen-Salmon que Temime présente comme son "meilleur ami et un sacré musicien".
Le métier sur le tas, au culot parfois, à l'instinct beaucoup. "J'étais le roi avec les groupes salsa. On jouait dans des stades, sous d'immenses chapiteaux. Ce truc de star, de la reconnaissance, j'ai vite fait le tour. Si ça te fait frétiller plus de trois mois c'est que tu as de gros problèmes. En revanche, ce qui me motivait et que je veux retrouver dans le jazz, c'est le rapport populaire, festif que cela peut amener. Tu joues pour que les gens soient heureux. Il y a trop de concerts où les musiciens jouent pour se regarder, pour faire une uvre. Avec le jazz, je me suis aperçu que je ne savais pas respirer, que mes doigtés étaient mauvais, que je lisais mal. Dorénavant, j'accomplis le travail de fond avec le même plaisir que j'ai à m'élancer dans la musique." Le saxophoniste Johnny Griffin l'a surnommé affectueusement "le monstre", Marsalis lui a rappelé un précepte du pianiste John Lewis : "Ne sous-estime jamais la pression." Comme un carburant pour relancer l'imagination et l'envie de se dépasser.

Sylvain Siclier

Parmi les monuments de la soul music, la chanson What's Going On (1970), coécrite par Al Cleveland, Renaldo Benson et Marvin Gaye, qui l'interprète, occupe l'une des premières places. S'y attaquer c'est avoir un immense culot, un peu d'inconscience. Pour un musicien de jazz, cela dénote aussi une grande culture, intelligemment ouverte, du goût. Toutes qualités entendues chez le saxophoniste Olivier Temime.
Donc What's Going On, sur le coup de 23 heures, vendredi 13 juin, au Duc des Lombards, à Paris. Grondant, jouissif, à faire vibrer Marvin Gaye, là-haut, au paradis. Le groupe de Temime s'appelle Electric Volunteered Slaves, il a été créé sur le tas en août 2002 au Festival de Marciac. Le nom évoque une composition de Roland Kirk, saxophoniste jamais cité par les bons élèves du jazz, aveugle à l'âge de 2 ans, curieux de toutes les musiques. Comme Temime.
Le groupe joue aussi Joe Henderson, autre saxophoniste, autre oublié, le standard Tenderly signé Gross/Lawrence, qui démarre en bossa pour finir dans les airs. L'idée de démonstration n'effleure pas le duo percussions (Arnold Moueza) et batterie (Julien Charlet). Les phrases entremêlées du guitariste Jerôme Barde et du pianiste Emmanuel Duprey, au Fender Rhodes électrique sont un bonheur. Akim Bournane pourrait, lui, bien être dans le sillage de Michael Henderson, ancien bassiste des studios Motown au début des années 1960 et de Miles Davis dans les années 1970. Ensemble, cela donne l'une des formations les plus excitantes entendues depuis des mois, tourbillonnante, qui ravive l'ultime sursaut du jazz, celui de l'osmose avec la musique funk. Celui qui, plutôt que de s'écouter penser, joue pour divertir sans renier son sérieux ni sa grandeur, joue pour que le corps lui réponde.

Sylvain Siclier

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